Entretien
Xavier Corouge, Directeur exécutif de l’activité Urban Mobility, Europcar Mobility Group
Selon vous, comment l’usage de la voiture individuelle-va-t-il évoluer dans les 10/20 prochaines années ?
Pendant près de 100 ans, la voiture a été un formidable outil de liberté et de mobilité. Mais elle enferme aujourd’hui la mobilité urbaine dans une impasse à la fois écologique, économique et sanitaire. Les problèmes de congestion s’aggravent partout, la santé publique se dégrade, les promesses de réduction de GES s’envolent… Il faut à tout prix réduire le nombre de voitures en circulation dans le monde.
C’est pourquoi il est urgent et indispensable d’amorcer et de stabiliser de nouveaux comportements, non plus centrés sur un usage individuel des véhicules privés, mais sur un usage partagé.
Comment la voiture peut-elle s’intégrer à la mobilité partagée de demain ?
Si vous achetez une voiture, vous voudrez naturellement rentabiliser votre investissement, et vous l’utiliserez pour tous vos déplacements. Si vous optez pour l’autopartage, vous n’utilisez un véhicule que lorsque vous en avez vraiment besoin, et vous pouvez continuer à privilégier les transports en commun et les services de micromobilité pour vos autres trajets.
Les premières initiatives d’autopartage sont apparues dans les années 80. Le digital a permis de franchir un cap pour rendre les solutions d’autopartage mieux adaptées à des trajets plus courts, en zone urbaine notamment.
Aujourd’hui, la voiture fait partie du paysage des grandes villes et il peut prendre différentes formes.
Le free floating qui s’apparente davantage à de la micromobilité, avec un usage de la voiture sur des durées très courtes, est en concurrence directe avec les autres solutions de mobilité partagée et les transports en commun.
L’autopartage “en boucle”, en revanche, qui impose à l’utilisateur de ramener le véhicule en station une fois le parcours effectué, est clairement destiné à remplacer le véhicule individuel…
Cependant, le succès est encore relatif : par rapport aux milliards de trajets effectués chaque jour, le mouvement est encore marginal. En Suisse, seuls 1 % de la population utilisent des offres de mobilité de ce type. À Paris, ce n’est que 0,1 % de la population. Le potentiel de développement est donc très important, mais on n’en est qu’au début, il faut aller au-delà pour que la voiture trouve pleinement sa place dans la chaîne de mobilité partagée.
Quel rôle le MAAS peut-il jouer ?
Comme la santé ou l’éducation, la mobilité est un bien commun. Et comme tout bien commun, elle ne peut se développer de façon cohérente et adaptée qu’avec l’implication forte des pouvoirs publics. Le MaaS peut véritablement orienter à la baisse l’usage individuel des véhicules privés (voiture, scooter, etc.) en facilitant l’adoption d’un usage partagé, pleinement intégré à l’offre de mobilité multimodale. Mais en plus des solutions incitatives, réduire la part de l’autosolisme passera nécessairement par des mesures contraignantes – comme les péages, les zones de restriction, la diminution des places de stationnement…
Le pouvoir d’incitation et de régulation des AOM est capital, et plus encore dans les mégalopoles victimes d’étalement urbain.
Sans leur implication, aucun changement pérenne n’aura lieu. À Singapour, la place attribuée à la voiture dans l’espace public a été réduite à 12 % mais elle est toujours de 50 % à Los Angeles.