Nous vivons assurément une contre-révolution ! Le 29 janvier 2020, San Francisco a fermé à la circulation automobile l’artère de Market Street pour la rendre aux piétons, cyclistes et passagers des trams et bus. Cette décision a été majoritairement saluée par les habitants.
Pourquoi ? Parce que leur quotidien est plus vivable, plus sûr, plus économique, plus écoresponsable. Même aux États-Unis, pays hyper-dépendant à la voiture individuelle, la libération est en marche.
L’histoire l’a un peu oublié mais la première révolution du transport vers le “tout voiture” a eu lieu entre 1920 et 1950. Menée par les constructeurs automobiles, elle a transformé les normes sociales et la réglementation, en parallèle de la technologie. Une illustration : il y a 100 ans, il était “normal” de marcher n’importe où dans l’espace public. Ce qui, évidemment, était un frein au développement de la voiture. En généralisant l’idée que marcher en dehors des clous était “anormal”, les pro-automobile ont tout simplement ridiculisé les piétons. La norme du trottoir était née.
Aujourd’hui, réussir cette contre-révolution, c’est s’approprier ces mêmes armes ô combien efficaces. La première bataille est évidemment celle de la communication. Aux États-Unis, le bus ne doit plus renvoyer à l’image négative du transport “de ceux qui n’ont pas d’autre choix”. Pour rendre ce futur désirable, arrêtons de présenter un monde sans voiture individuelle comme un renoncement ou une injonction climatique. Retrouver la liberté de choisir son mode de déplacement, voilà la vraie révolution !
La deuxième bataille – elle est liée – est celle de la sémantique. Laisser préempter les mots de cette contre-révolution par tous ceux – ils sont nombreux – qui préparent une version hightech de la mobilité individuelle, c’est s’enfermer dans un statu quo. Non, le “véhicule électrique” n’est pas nécessairement une voiture fonctionnant sur batterie, qui soulève par ailleurs beaucoup de nouveaux enjeux. Premier véhicule électrique urbain, le tramway alimenté par câbles reste, encore aujourd’hui, l’invention la plus efficiente pour décarboner le mass transit en ville. La “mobilité partagée” n’est pour moi pas non plus ces nouveaux modes de transport loués, parfois à prix d’or ; mais bien de vrais transports collectifs soutenus par les autorités publiques et dont le coût est mutualisé.
La contre-révolution de la mobilité va imposer d’agir en coalitions – entre les opérateurs, les Autorités Organisatrices et les groupes issus de la société civile qui refusent ce statu quo. Mais s’il y a bien une leçon d’espoir à retenir de la première révolution de la mobilité, celle de l’automobile, c’est que tout changer est possible.