Au nord-ouest de l’Espagne, en Galice, Pontevedra est réputée pour son joli centre historique aux ruelles tranquilles, ponctuées de terrasses. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi ! À la fin des années 90, la cité était en déshérence, supplantée par sa rivale Vigo. Encaissée dans une vallée en bord de mer, Pontevedra subissait la pollution automobile et la qualité de vie des « Pontevedréses » s’en ressentait. Les rues étaient littéralement envahies de voitures. On en dénombrait jusqu’à 52 000 par jour, presque autant que d’habitants à l’époque ! Certaines ne faisaient que traverser l’agglomération, d’autres tournaient sans fin avant de trouver une place de stationnement (en moyenne 18 minutes avant de s’arrêter). Résultat : bouchons monstrueux, voitures garées en double file, piétons qui se frayaient un chemin dans le trafic… Les accidents de la circulation étaient nombreux (30 décès entre 1997 et 2006). Mais un élu municipal, Miguel Anxo Fernández Lores, rêvait de changer tout cela. En 1999, il est élu Maire et peut commencer à réaliser son projet. « Nous avions réfléchi pendant dix ans au sein du Conseil municipal avant de transformer Pontevedra. Nous avions beaucoup lu les écrits des urbanistes. Ce que je voulais, c’était que les habitants vivent mieux. Je ne suis pas anti-voiture. J’adore la voiture pour la route ou l’autoroute ! Mais en ville, il fallait absolument retrouver de la convivialité, qui est pour moi la clé de tout. En redonnant de l’espace aux piétons, nous allions développer la qualité de vie, dépolluer l’air ambiant et revitaliser la rivière Lerez, qui était devenue un véritable cloaque », témoigne aujourd’hui le Maire, réélu sans discontinuer depuis 20 ans.
LA TRANSFORMATION D’UNE VILLE
Dès l’élection de celui-ci, en 1999, les travaux commencent. Pontevedra interdit l’accès du centre historique aux voitures : en un mois, 300 000 m2 sont piétonnisés, et d’autres quartiers suivent. On démonte les trottoirs et on construit des parkings souterrains pour accueillir les véhicules des riverains ou des visiteurs qui doivent absolument se rendre en ville, pour un déménagement ou une visite chez le médecin, par exemple. Quatre mille places sont prévues. « Nous aurions pu nous contenter d’une piétonnisation partielle. Mais nous voulions un projet global qui dissuade vraiment les gens d’utiliser leur voiture. Bien sûr, il y a eu des oppositions. Les commerçants avaient peur de voir disparaître leurs clients et les habitants étaient excédés par les travaux. Mais aujourd’hui, personne ne voudrait revenir en arrière. Les petites boutiques ont même davantage de clients qu’avant. Les enfants jouent tranquillement à l’extérieur, les personnes âgées ou en situation de handicap vivent dans un espace mieux adapté à leurs besoins, tandis que nos rues invitent à la flânerie », témoigne le Maire. Rapidement, le centre historique retrouve son lustre d’antan : nettoyé, rénové, mieux éclairé, il n’est plus sale et décati. Les véhicules de livraison y circulent aisément le matin, quatre heures par jour. La vitesse est limitée à 30 km/h dans toute la ville – à 20 km/h dans certaines zones « où nous voudrions la baisser à 10 km/h », avance le Maire. « D’ailleurs, dans les villes, les voitures ne roulent jamais à plus de 30 km/h en moyenne, si l’on compte les arrêts aux feux rouges. À Pontevedra, nous avons enlevé la plupart des feux de circulation– les ronds-points fluidifient mieux la circulation résiduelle. »
Aujourd’hui, les trois-quarts de la ville sont quasiment sans voitures Seuls 9 % des véhicules de l’aire urbaine pénètrent dans le centre, contre 83 % en 1999. Pour autant, rouler en zone piétonne (1,3 million de m2 aujourd’hui) n’est toujours pas strictement interdit. En revanche, le stationnement en surface n’est autorisé que pour 15 minutes. Ensuite, c’est la verbalisation assurée – et l’amende monte jusqu’à 200 euros ! En périphérie, chacun peut garer gratuitement sa voiture sur de vastes parkings (2 500 places) avant de pénétrer à pied dans le centre. Car au-delà de la dépollution et de la convivialité qui naissent de l’absence de voitures, c’est la marche qui est le signe distinctif de Pontevedra.
LES MARCHEURS DE PONTEVEDRA
En centre-ville, il n’y a pas de transport en commun. L’unique bus circulaire a disparu, faute de passagers. Seuls les lignes qui desservent les communes voisines et les quartiers périphériques subsistent, comme vers l’hôpital et le Monte Perreiro. Alors, les gens marchent ! La ville a même créé une appli pour ça : MetroMinuto ressemble à un plan de métro qui indique le temps nécessaire pour se déplacer à pied d’un point à un autre. « Notre ville fait 2 km sur 3, elle est relativement petite. En marchant à 5 km/h, vous êtes vite arrivé à destination. »
Et ça fonctionne ! « Avant, certains administrés regrettaient de ne plus pouvoir se garer en bas de leur bureau. Aujourd’hui, ils me remercient pour les quelques minutes de déambulation qu’ils s’octroient chaque jour », explique Miguel Anxo Fernández Lores. Car, sur MetroMinuto, on peut aussi compter les calories perdues. De fait, 72 % des déplacements en ville se font aujourd’hui à pied ou à vélo. 90 % des gens font leurs courses à pied dans les commerces du centre (les hypermarchés sont interdits dans la commune) et 80 % des enfants vont à l’école en marchant. « Le vélo n’est pas encore très répandu, car la ville est petite, mais il a sa place à côté des piétons. Les véhicules à moteur, eux, viennent en dernier dans la hiérarchie », martèle l’édile. Et comme celui-ci est médecin de formation, il sait à quel point la marche est importante pour la santé – entre 7 000 et 10 000 pas par jour, selon les recommandations de l’OMS.
Bien sûr, quand il pleut, c’est moins agréable, mais Monsieur le Maire balaie cette objection : « Il y a des parapluies pour ça. Avant, les trottoirs étaient trop étroits et deux parapluies ne pouvaient même pas se croiser ! Aujourd’hui, les piétons ont reconquis leur espace, la marche est vraiment facilitée ». Ici et là, pourtant, certains automobilistes se plaignent des embouteillages dans les quelques rues dévolues au trafic…