Interview
Xavier Arrufat, Fondateur et Directeur général de AWAAIT Artificial Intelligence
La fraude est parfois organisée. Quelles sont les stratégies d’évitement des fraudeurs les plus aguerris ?
Elles sont sophistiquées. On a observé ces dernières années l’émergence d’un système d’alerte sur applications mobiles. Les voyageurs qui les utilisent échangent des informations sur la présence de contrôleurs sur les lignes. Les abonnés peuvent ainsi modifier leur trajet pour éviter d’être verbalisé. En Espagne, les villes de Barcelone et Madrid ont réussi à neutraliser ces applis grâce à la participation d’Apple, qui les a déréférencés de l’Appstore et du Playstore. Certains vont encore plus loin. À Stockholm, il existe une association de fraudeurs militant pour la gratuité des transports. Elle fonctionne comme une assurance : chaque membre paie une cotisation annuelle, et lorsqu’il se fait contrôler, le PV est payé par l’association…
Est-il possible de contourner efficacement ce type de comportements ?
Dans le cas de cette association, c’est compliqué, mais c’est un cas extrême et vraiment isolé. Partout ailleurs, le contrôle est déterminant. De plus en plus de réseaux s’orientent vers la planification et le ciblage des opérations de contrôle. La data prédictive, ou l’intelligence artificielle combinée à la vision artificielle, permettent d’identifier clairement les créneaux et les lieux les plus touchés par la fraude. Awaait a justement développé un système de vidéo-surveillance aux portillons qui détecte le schéma de mouvement et de vitesse adopté par les fraudeurs. Lorsqu’un voyageur a l’air de passer sans ticket, les contrôleurs en station reçoivent une alerte du système sur leur portable via notre application. Les visuels leur permettent d’identifier la personne et de la contrôler dans les minutes qui suivent. 95 % des fraudes sont détectées. Au final, cela fonctionne comme un radar d’autoroute : le risque d’être « pris » réduit les comportements frauduleux… et plus il y a de radars, plus ça marche.
Existe-t-il un moyen plus efficace que les autres pour lutter contre la fraude ?
Je ne le pense pas. Pour réussir, associer plusieurs approches est primordial : la dissuasion ne marche pas sans la répression, et vice-versa ; sans portillons qui ferment l’accès aux quais, le contrôle perd de son efficacité ; sans tarification sociale ou abonnements appropriés, les voyageurs n’adhèrent pas entièrement aux règles de fonctionnement de leur réseau de transport. Et sans campagnes d’information ni traitement des PV, le dispositif n’est pas complet. C’est un équilibre à trouver.