Comment Genre et Ville approche-t-elle l’égalité ?
Nous observons différents lieux de rassemblement, des routes aux places, en passant par les jardins publics, les lieux culturels et communautaires, les commerces, ou les infrastructures des transports en commun (gares, abribus, etc.). Nous étudions les éléments qui influencent les attitudes et les usages réservés à ces lieux : facteurs historiques et sociologiques, urbanisme, cadre juridique. Nous adoptons différentes méthodes – études d’observation, prises de photos et de vidéos, entretiens et autres enquêtes qualitatives – pour analyser les villes à travers le prisme du genre. Nous proposons des solutions pour repenser les environnements urbains afin qu’ils offrent une expérience plus égalitaire et plus inclusive.
Comment expliquez-vous les inégalités actuelles ?
Dès la naissance, on nous attribue des rôles et des identités déterminés par les traditions sociales, les institutions politiques et les présomptions. En s’interrogeant sur ces mécanismes, on s’aperçoit que le modèle sociétal et urbain repose sur une dualité genrée et hiérarchique qui impose à tous la norme de la masculinité hégémonique. Pour Raewyn Connell et James Messerschmidt, géographes et sociologues, cette notion d’idéal masculin oblige les autres hommes à se positionner par rapport à elle et justifie idéologiquement la subordination des femmes. Historiquement, les villes, surtout celles du XIXe siècle, ont été conçues par et pour les hommes. À eux, la présence légitime dans l’espace public, les cafés et les commerces ; aux femmes, l’espace privé, la vie en retrait et l’attention portée à l’autre. Aujourd’hui encore, cet héritage influence la façon dont les hommes investissent l’espace public. Citons l’exemple des cours de récréation, dominées par les garçons avec leurs jeux de ballon, ou celui du manspreading dans les transports en commun (tendance, plutôt masculine, à s’asseoir en écartant les jambes). Nous devons lutter contre ces stéréotypes en réorganisant les espaces pour les rendre plus inclusifs et plus propices à la diversité. En Inde, #WhyLoiter est un exemple de ces mouvements de femmes (et d’hommes), en pleine expansion, qui défient les normes établies : les Indiennes se promènent en ville la nuit pour protester contre le fait qu’elles n’ont pas le droit de flâner dans les espaces publics.
Les attitudes évoluent-elles ?
Le sujet de l’égalité hommes-femmes n’est pas nouveau, et il gagne du terrain depuis le militantisme féministe des années 1960. La loi contribue à donner du poids aux problématiques d’égalité des sexes dans la conception et la mise à disposition des services publics. En 2006, beaucoup de villes ont ainsi adopté la Charte européenne pour l’égalité hommes-femmes. En 2014, la France a promulgué une loi visant à instituer une réelle égalité qui stipule que « l’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, [doivent mettre] en oeuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée ». De nombreux projets publics appliquent désormais une politique d’égalité des sexes, grâce à la pression du Gouvernement et à l’action de groupes d’influence locaux. Les métiers comme l’architecture et l’urbanisme comptent aujourd’hui plus de femmes. L’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis et les pays scandinaves ont réussi à généraliser la prise en compte des problématiques de genre, mais elles ne sont pas encore intégrées partout dans l’enseignement, comme en France, par exemple.